vendredi 11 février 2022

[Vendredi Inspi] Les animés adaptant Yoshiki Tanaka

Yoshiki Tanaka n'est pas le plus populaire des auteurs japonais. On ne peut pas dire que l'auteur de Science-Fiction nippon de 68 ans soit identifié en France : publié à seulement trois reprises dans l'hexagone, dont deux fois au rayon jeunesse, il l'a été surtout pour ses œuvres Fantasy. Pourtant, c'est aussi du conteur de récits de space opera dont nous allons parler dans cet article.


Nota : Tanaka étant très peu traduit en France, et le japonais n'étant pas forcément ma tasse de thé, je m’appuierai ici pour le volet scénaristique sur les animés tirés de ses écrits, principalement Legend of Galactic Heroes et Tytania que j'évoquerai longuement. Il est à noter que la première œuvre citée a été traduite en anglais pour les US et que la traduction est disponible sur Amazon. On retrouve du reste de nombreuses similitudes dans la construction des récits avec Arslan, seul roman arrivé jusqu'à nous, que j'évoquerai en fin d'article.

Pour présenter un peu les choses, voilà les synopsis des trois œuvres principales de Tanaka :
 
 

 

Legend of Galactic Heroes (Ginga Eiyū Densetsu - LOGH) :

Au sein d'un Empire Galactique bâti sur le modèle prussien, Reinhard von Lohengramm est l'étoile montante de l'état major. Il se lance dans une campagne contre l'Alliance des Planètes Libres et affronte, par hasard, le jeune commandant Yang Wen-li. Les deux champions vont se faire face alors qu'au sein de chaque camp, de grands changements vont les entrainer dans des situations difficiles, face à des choix impossible. Qui finira par dominer les étoiles ?





Tytania :

Dans un futur où l'humanité a conquis les étoiles, l'empire de Valdania est sous la coupe de la famille Tytania. Elle missionne une flotte pour attaquer la planète-état d'Euriya afin d'étendre sa domination politique et économique. Euriya résiste à la surprise générale et finit par l'emporter, notamment grâce à la victoire du pilote Fan Hyulick. Une guerre civile commence alors, où les membres de la famille et la rébellion vont s'entredéchirer.
 





The Heroic Legend of Arslân (Arslan Senki) :

Le royaume de Parse est attaqué par Lusitania. Le roi, Andragoras III, se porte aux devants de l'envahisseur à la tête de ses troupes, accompagné de son fils Arslan. Mais la bataille tourne au drame en raison d'une trahison. Andragoras est fait prisonnier. Arslan, contraint à battre en retraite, va tenter d'organiser la lutte contre l'envahisseur avec Daryun, son fidèle garde du corps, et Narsus, son conseiller politique.


Les références de Tanaka sont des références historiques. De ce point de vue, il ne peut que me parler : quand il présente ses personnages principaux, il en fait des Alexandre le Grand, des génies de leur temps appelés à régner, et dont le destin va les pousser dans leurs retranchements. Ce parallèle est flagrant avec Reinhard von Lohengramm, le personnage principal de Legend of Galactic Heroes (LOGH). Lohengramm est jeune quand il prend le pouvoir et ce sont ses succès militaires et politiques qui bâtiront sa légende. Il est entouré de ses Diadioques, en quelque sorte : un groupe de jeunes généraux qui vont l'aider à asseoir sa puissance nouvelle. 
Tout, dans l’œuvre de l'auteur, rappelle ces parallèles historiques qui ne sont pas seulement asiatiques, mais pour beaucoup occidentaux. L'auteur lui-même affirme écrire à partir de l'histoire : "je pars de faits historique et j'imagine que quelqu'un prend d'autres décisions, puis j'extrapole à partir de là."
Cette façon de faire me parle beaucoup, car il ne renie pas ce qui fait la spécificité de sa culture, mais réussit à embrasser des références universelles qui se mélangent, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. L'exemple même de la fin de LOGH le montre : Lohengramm sera seul pour régner et règnera longtemps, se montrant un souverain exemplaire qui aura payé cher son accession au trône. Pour plus d'informations sur l'apport historique à son œuvre, je vous invite à lire ce post Reddit (en anglais) très complet, ou cet article qui illustre les débats et les idées qui portent l’œuvre.
 




 
 
L'autre grand axe est sa façon de scénariser des personnages qui ont un réel sens du gouvernement, du pouvoir, de son exercice. De ce point de vue, les héros de Tanaka sont positifs, et renvoie à l'image du peuple japonais à l'égard de leurs empereurs : l'auteur croit profondément à l’existence d’un roi juste, d’un bon gouvernement, de gens suffisamment désintéressés et compétents pour un exercice avisé de l’État. Ce positivisme est assez rare pour être signalé et s'oppose à une vision plus sombre, plus réaliste quelque part, qui domine actuellement dans les paysages SFFF. 
Si j'aime bien lire des ambiances Dark, j'ai toujours apprécié la possibilité d'une sortie plus positive, qui n'est pas forcément une utopie. Nous critiquons suffisamment nos gouvernements pour apprécier aussi de voir en action des personnes soucieuses du bien commun qui réussissent. Mais parfois, même ces hommes politiques/généraux talentueux se trompent ou prennent la mauvaise direction. C'est en partie ce que raconte Tytania : une famille noble domine un empire des étoiles et elle souhaite agrandir sa domination sur Euryia. C'est une erreur, car sa manœuvre va échouer et une rébellion va naître sur les traces d'un champion imprévu appelé Fan Hyulick. 
Fan, comme Yang Wenli dans LOGH, est un héros par accident. Il se trouve au mauvais endroit au bon moment et agit comme nul autre ne l'aurait fait. Là aussi, on retrouve derrière la candeur de ces personnages, qui ne se destinent à rien et sont hyper modestes, des figures positives. Ils sont ces anonymes qui sortent du rang pour se lever contre l'adversité. Le fait de montrer des camps où chacun a en partie raison donne une récit une réelle nuance.  
 
 

 

 
 
Troisième qualité : sa capacité à imbriquer des sous-intrigues avec des personnages secondaires, voir tertiaires, qui fonctionnent admirablement bien. Tous illustrent les valeurs que Tanaka aime mettre en avant : le poids de l’histoire, la démocratie, l’honneur et la liberté, de grandes valeurs qui font les excellents récits en quelque sorte. Ils donnent surtout un côté universel à ses récits, car nous les retrouvons facilement d'une culture à l'autre. En cela, Tanaka me fait beaucoup penser à Michael J. Straczynski (Babylon 5). Ces personnages sont aussi les premiers moteurs des twists, rebondissements, trahisons qui peuplent l’œuvre et donnent l'impression d'un univers et d'une vie plus grande, au delà du simple récit mené sous la plume de l'auteur. 
Cette accumulation de petites histoires est loin de ralentir le récit, à l'image d'un GRR Martin. Au contraire, elles le dynamisent, ce qui est un exemple assez brillant pour le pauvre scénariste que je suis d'une utilisation talentueuse et raisonnée de ce type d'outils.  
L'ensemble forme comme un rouleau compresseur, car les différents recoupements d'intrigues donnent de la force et du drame au scénario, principaux éléments de la tragédie. 
 
 

 

Il est amusant de constater que cette structure très forte n'est pas accompagné d'un style flamboyant. Dans ses ouvrages, comme Arslan, il reste très concis et factuel, privilégiant les phrases courtes pour mettre du rythme. Les chapitres s'enchainent rapidement et l'objectif est de maintenir un dynamisme constant. Comme pour les animés, le récit est enrichi de points de vue secondaires pour assurer l'immersion du lecteur. 

Qu'est-ce que j'en retiens ?


C'est d'abord la richesse qui m'a marqué chez Tanaka : les sous-intrigues, les personnages secondaires/tertiaires, les imbrications fines entre les uns et les autres. Pour susciter l'épique, au sens "récit prenant et marquant", je dois aussi chercher à éveiller les valeurs qui comptent pour moi, que j'ai envie de mettre en avant et qui sont pour moi les moteurs de bons récits. Mais ce n'est pas tout : je dois soigner mes twists et les amener avec soin, parfois de loin, même si je travaille sur des récits historiques. Ce n'est pas tant la connaissance historique qui importe, plutôt la façon d'y impliquer le lecteur. Je dois continuer dans cette voie pour améliorer mes récits !

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