samedi 1 avril 2023

[Ma BO cette semaine 7] Le Monde de Narnia et Prince Caspian de Harry Gregson-Williams (2005-2008)

 


 

Les Narnia sont un sommet de la carrière de Harry Gregson-Williams, aux côtés de Kingdom of Heaven. Il avait déjà prouvé, avec Sinbad ou Chicken Run, qu'il maîtrise l'action et l'épique avec une énergie communicative. Narnia a un ton plus premier degré qui mélange aventure et féérie avec bonheur.

Que l'on écoute Evacuating London, A Narnia Lullaby ou From Western Woods to Beaversdam, c'est réellement une impression féérique qui ressort de l'ensemble. L'envie de nous transporter dans un monde qui n'existe pas, et qui est superbe, s'y ressent fortement. A nous les grands espaces, les pistes discrètes et immersives, où les instruments ressortent particulièrement (duduk, flûte) ainsi que chœurs, dont le solo féminin de Lisbeth Scott est absolument admirable. L'ensemble accroche très facilement à l'oreille car il est très facile d'accès, et concrétise ce que l'on recherche forcément avec un tel album : le voyage.
Le violon électrique est un autre instrument qui ressort particulièrement, car on lui laisse de la place pour exprimer ses consonances très douces et planantes. Lucy Meets Mr. Tumus en est le principal étendard, et la tendresse qui émane de la piste nous incite à nous laisser porter, toujours plus loin, vers Narnia.



 


Mais si l'ambiance est réussie, elle n'occulte pas les thèmes crées pour l'univers. Le plus évident est celui des enfants, omniprésent sur tout l'album et décliné de nombreuses fois sur tous les tons.
La grande réussite est le thème héroïque entendu une première fois sur To Aslan's Camp, et son introduction porté par tout l'orchestre avec une puissance diabolique. S'en suit une lente montée en pression sur ce thème d'une efficacité redoutable, car à base de peu de notes. On le retient donc très facilement, et il est aisé de le fredonner. The Battle offre huit minutes d'un développement intense. Introduit en grande pompe avec les chœurs dès la première minute, il ne cessera d'être porté en étendard de cette bataille qui opposera de nombreuses races. On y note également un rapport assez évident à Kingdom of Heaven, et notamment la chorale, traitée de manière un peu similaire. Harry Gregson-Williams donne de la puissance aux moindres variations qu'il introduit. En cela, la prise de pouvoir de la chorale en milieu de piste est dantesque et ce Battle est, et de loin, le meilleur développement épique de l'album. La meilleure piste ? Peut-être, les percussions de fin de piste donnant une variété à l'ensemble.
Le seul regret ressort peut-être ici avec l'absence d'un thème "de méchant" pour contrebalancer, The White Witch manquant de caractère comparée à celles que je viens de citer.

Il y a aussi The Stone Table qui a retenu particulièrement mon attention, par sa gravité et sa solennité comparé au reste de l'album. Les thématiques y sont toutes plus graves, les mouvements plus mélancoliques, l'ensemble plus mystérieux et inquiétant. L'utilisation de chœurs tibétains apporte une variation bienvenue. Et la tension sous-jacente de l'ensemble ressort particulièrement. Dans cet univers plus féérique qu'inquiétant, c'est un aparté aussi réussi que prometteur pour une éventuelle suite !



 


La flûte qui ouvre Only The Beginning of the Adventure nous laisse un sourire satisfait. Oui, c'est seulement le début, et c'est ca qui est merveilleux ! Sorte de End Titles contemplatif, où tous les thèmes sont repris avec douceur et calme. La tempête est passée, et l'exposition merveilleuse du thème héroïque est là pour le manifester : oui, l'aventure n'est pas terminée, et nous aurons encore besoin de héros.
La conclusion à apporter à cette heure musicale est simple : venez visiter un monde féérique, Le Monde de Narnia. Majestueuse, efficace, et fascinante par son immersion "Là-bas".


Dans Prince Caspian, Harry Gregson-Williams s’est lancé dans un exercice plus sombre, plus épique aussi, qui manque peut-être de moments de magie mais compense par des pistes d’une richesse très appréciable, où il prend le temps de décliner ses anciens thèmes ou d’en introduire d’autres.

En fait, cette différence saute aux yeux dans les trois première pistes de l’album, où l’ambiance sombre et mélancolique ne colle pas du tout avec le souvenir que l’on a gardé de Narnia. Pourtant, les sonorités sont similaires, les thèmes esquissés nous reviennent vite en mémoire. C’est un regard nostalgique que semble lancer le compositeur sur l’univers qu’il met en musique, un univers quitté depuis un long moment et sur lequel on revient avec un autre regard, plus adulte.

Prince Caspian Flees introduit en filigrane son nouveau thème, celui du prince, dans un style de progression de cordes qui n’est pas sans rappeler la technique de Howard Shore sur le Seigneur des Anneaux - cette parenté sera d’ailleurs tout aussi évidente sur Miraz Crowned un peu plus loin. Peu à peu, la chorale religieuse s’élève avant que ne s’esquisse le thème principal de Narnia (version héroïque). La piste se déroule tout en progression des cordes comme des cuivres et la chorale, très typée, ne cesse de prendre de l’importance. Les cuivres et les percussions se font plus intenses, jusqu’à l’explosion finale en compagnie du chœur. Une très bonne piste.

The King and Queen of Old introduit cette touche de mélancolie dont je parlais plus haut. Les thèmes et motifs connus s’enchainent à un rythme très lent, ils sont joués très lentement par l’orchestre, et les bois déjà entendu dans le premier opus (dont la flûte et le cor anglais très présent) nous ramènent lentement vers l’ambiance vers Narnia… seulement, l’enthousiasme est moins présent, on sent de la retenue et c’est ce qui donne cette approche différente. Une piste très intéressante par ces flashs sur l’un ou l’autre des thèmes qui nous ont fait rêver trois ans plus tôt.
Journey to the How fait la part belle au motif héroïque du thème principal avec toujours les cordes très présentes, qui assurent une progression véritablement épique comme sur Prince Caspian Flees. Déjà se profile à travers l’utilisation des percussions martiales ce traitement plus guerrier.


 




Dans la partie action, il y a une piste réellement extraordinaire dans sa construction dramatique : Raid on the Castle. Après une première minute de progression ininterrompue du duo cordes/percussions où la tension est à son comble, la chorale fait son apparition sur des motifs issu du premier opus. A trois minutes, le thème principal est joué de manière épique par les cuivres avec le soutien des violons. Le motif éclate superbement, on sent toute la puissance de l’orchestre de cette variation inédite que ne renierait pas un Hans Zimmer. La piste continue sur des variations de percussions très militaires, puis enchaine sur des passages bien connus de l’auditeur attentif du Le Monde de Narnia. Dans son dernier quart, elle se conclue superbement sur le thème Narnia joué en entier par les trompettes, puis dans une version bien plus dramatique à cause des violons qui montent très hauts, et tiennent leurs notes. 
 

Battle at Aslan’s Row est lui l’heure de gloire du thème de Caspian, où il est enfin joué en majesté et au complet. C’est en fait la seule piste où les deux thèmes majeures de l’album viennent se télescoper dans des versions très enlevées. Il apparaît comme le climax   du film avec une gestion très agressive des violons qui soutiennent sans cesse la chorale et le reste de l’orchestre. Bien sûr, les cuivres ne sont pas en reste et cela permet d’offrir au CD une dernière piste d’action très réussie, très épique, malgré le retour sur la fin de piste d’une nouvelle évocation tirée à l’identique du Monde de Narnia.


Plus martial et sombre, ce Prince Caspian tranche par son ambiance et son ton plus épique avec son prédécesseur. Ce dernier avait pour lui l’attrait de la nouveauté et cette construction plus tournée vers l’aventure flamboyante. Comme le 3e épisode a été mis en musique par David Arnold, on ne saura jamais si Harry Gregson-Williams aurait pu réussir une trilogie égale...à moins qu'il ne revienne pour les épisodes en prévision sur Netflix ?

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