lundi 18 mars 2024

Vu : Dune 1ere partie de Denis Villeneuve

Cette semaine va nous conduire dans le désert ! En route pour Arrakis, où je vais vous parler du diptyque de Denis Villeneuve adaptant Frank Herbert : Dune. Pour commencer, je vous propose un avis sur la première partie. Cet avis avait été rédigé, à l'origine, pour eMaginarock.

 

Affiche Dune 1ere partie Denis Villeneuve

 

 

L’existence de ce Dune est un petit miracle en soi : en chantier pendant 5 ans, le film a connu de nombreux réalisateurs et faux démarrages avant que le réalisateur Denis Villeneuve ne s’en empare. Même arrivé à ce stade, Dune a encore connu des coups d’arrêt. L’échec de Blade Runner 2049 au box-office a érodé la confiance des studios Warner Bros et poussé le réalisateur à ne réaliser qu’un film, alors que le tournage de deux volets ensemble était prévu dès l’origine. Le Covid a également retardé sa sortie.
Mais ça y est, il est là. 35 ans après le semi-échec de David Lynch, que vaut le cru Dune des années 2020 ?

Arrakis. Dune. Nous avons tous des images liées à cet imaginaire. Je ne suis donc pas un ayatollah de l’univers, je préfère l’indiquer en préambule. J’en profite pour vous prévenir que la suite contient des spoilers sur le film.

Un récit clair qui embrasse le point de vue de Paul


Les Atréides vivent sur Caladan quand un émissaire de l’Empereur vient les avertir qu’ils sont nommés administrateurs d’Arrakis, la planète de l’épice. Cette épice est un élément essentiel qui permet le voyage spatial. Le duc Leto, chef de la maison, n’est pas dupe : c’est un piège. Mais il va tenter de réussir malgré tout. Pendant ce temps, Paul achève la formation qui fait de lui l’héritier de Leto. Il rêve et ses visions le conduisent sur Arrakis.
Dans cette première partie, Denis Villeneuve pose ses enjeux et construit les bases de compréhension de l’univers de Dune. La construction de cette grande introduction est parfaite : didactique, le réalisateur nous prend par la main et parvient à nous montrer qu’il existe un gigantesque univers autour de nous, plein de promesses, mais que nous nous attacherons surtout aux pas des Atréides, de Paul en particulier. J’ai trouvé que le montage, très ludique, rendait simple ces transitions entre Arrakis, Caladan ou Giedi Prime tout en aiguillant le spectateur sur Paul et ce qui va arriver. C’était un équilibre difficile à trouver, qui donne une exposition très réussie, comme l’introduction du pouvoir de la Voix, très réussie à l’écran.


Dune Paul Atreides et la Mère Supérieure


Plus nous avançons, plus le film ressert son focus sur Paul. Ce personnage est typiquement villeneuvien : écrasé par un destin qu’il n’a pas choisi, par ces visions d’un possible avenir sombre et meurtrier, il ne trouve pas d’échappatoire. Timothée Chalamet est parfait dans ce rôle. Les premiers extraits m’avaient fait craindre un choix trop fade pour un tel rôle, que l’acteur dément très rapidement. Dès la scène du test du Gom Jabbar face à la Révérende Mère, il démontre une vraie présence et une capacité à transmettre beaucoup de sentiments par le regard. L’évolution du personnage va le conduire du jeune homme torturé au rôle de Duc prêt à se battre et son jeu restitue à merveille cette progression.

Le récit en fait le point central. La plupart des personnages n’existent que parce qu’ils parlent de lui ou avec lui. Villeneuve joue avec nous sur la notion de Messie et de prédestination, en le plaçant au centre du montage et des dialogues. Il y a une réelle fatalité qui frappe Paul et seuls ses rêves lui montrent d’autres voies. Les visions qui animent Paul évoluent avec le personnage : d’abord floues, elles dérivent sur des futurs possibles et des interprétations fluctuantes. Un exemple parmi d’autres est le personnage de Jamis joué par l’acteur Babs Olusanmokun. Le spectateur le découvre au détour d’une vision où il y explique à Paul qu’il va l’aider à découvrir les traditions du désert. C’est effectivement ce qui se passe, d’une façon singulière : Jamis le défie en duel et lui apprend à la dure les mœurs Fremens, jusqu’à obliger Paul à le tuer pour achever son initiation.

Dune offre une narration visuelle


Ce faux semblant est renforcé par le choix de Villeneuve de fortement colorer les rêves de Paul, à l’opposé de l’esthétique terne conçue pour le reste de Dune. Plus le film avance, plus cette clarté colorée se heurte à la brutalité des visions sanguinaires où Atréides devient l’inspirateur d’un djihad fanatique. C’est par l’image seule que Villeneuve réussit à transmettre ces valeurs sans sur souligner l’explication narrativement. Paul n’aime pas ce qu’il voit et ne parvient pas toujours – ou trop tard – à comprendre certaines inspirations. Au point que le scénario va au bout de cette idée : dans les dernières images, Paul tue son premier homme et semble s’orienter sur cette voie inéluctable qu’il voulait éviter. Shani le confirme dans la dernière phrase du film : ce n’est que le commencement.

 

Paul Atreides à Arrakeen Dune


Cette esthétique terne évoquée plus haut est un choix assumé par le réalisateur car il témoigne de l’ambiance mortifère et de la fin de cycle de l’Empire. Récapitulons ce que Villeneuve nous en montre : les Atréides sont enfermés dans un mausolée en décrépitude à Caladan ; les Harkonnens sont des capitalistes qui ont sombré dans la folie ; l’Empereur ne soutient son pouvoir qu’à l’aide d’artifices, d’un protocole écrasant et ridicule aux Sardaukars fanatiques et aveuglés par la soif de sang. Ce temps se meurt.

La solennité et le profond sérieux pour lequel a opté le réalisateur canadien suivent cette idée d’un monde froid, où la seule chaleur se trouverait dans l’esprit plutôt que dans la réalité. Villeneuve continue ici à utiliser une photographie qui compose son style, dans la lignée de Premier Contact ou Blade Runner 2049. Les emprunts à ce dernier sont bien visibles, d’un palais aux allures de société Tyrell à cet omnicoptère plongeant dans la tempête de sable, ou encore ces éclairages de salles à Arrakeen où seules de fines meurtrières laissent passer la lumière.

Et comme dans ces derniers, il développe un gigantisme qui écrase les personnages et crée des visions incroyables : les vaisseaux de transport Atréides qui sortent de la mer ; les vaisseaux spatiaux gigantesques de la Guilde aux côtés desquels les lunes elles-mêmes paraissent petites ; un vers des sables gobe une moissonneuse en quelques instants. Visuellement, le film frappe fort diverses manières. Quand Paul découvre le poids de son destin, c’est dans la brume où sa mère et lui sont des silhouettes diffuses, par contre le spectateur voit frontalement la mort de Leto, gisant comme dans une peinture à la table des Harkonnens.

Des choix qui peinent à convaincre


Malgré ce talent visuel, les choix scénaristiques de Dune peinent parfois à convaincre. Beaucoup d’acteurs n’ont que quelques minutes pour défendre leurs personnages à l’écran, ce qui les prive de leur intérêt. Par exemple, les Harkonnens sont à peine esquissés et seul Stellan Skarsgard donne un peu de « vie » (si l’on peut dire) au Baron, bien aidé par la mise en scène. Jason Momoa se débrouille bien en Duncan Idaho et il a l’intérêt d’avoir les deux morceaux de bravoure du film. Mais Josh Brolin, Dave Bautista, Charlotte Rampling, David Dastmalchian ou Javier Bardem n’ont pas cette chance. L’autre rôle qui souffre à l’image est celui de Dame Jessica, interprétée par Rebecca Ferguson. Larmoyante, elle passe son temps à pleurer pour redevenir, l’espace d’un instant, une impitoyable Bene Gesserit. Perturbant.


Rabban Harkonnen Dune Dave Bautista


Vu la densité des évènements racontés, Denis Villeneuve fait le choix de l’ellipse et ce n’est pas toujours une réussite. A partir de l’arrivée sur Arrakis, les évènements s’enchainent (trop) rapidement, sans que le spectateur ne puisse vraiment comprendre de l’épice ou l’urgence derrière l’attaque qui frappe Arrakeen. C’est dommage, car cette bataille est très réussie malgré le choix de faire de l’anti-épique au profit du réalisme. En effet, elle est montée en ellipses elle aussi, laissant le spectateur assister à des parcelles de combat et lui laissant le soin d’imaginer la suite. Quelques scènes y sont particulièrement réussies, par exemple la contre-attaque de Gurney portée par les cornemuses, le bombardement, la ligne d’Atréides prise en traitre par les Sardaukars ou l’évasion de Duncan.

Le choix de ne pas faire de la bataille le climax du film est par contre un choix payant. Il surprend, d’abord, mais permet de boucler la première partie de l’arc narratif de Paul. Il laisse surtout une respiration bienvenue, à peine parasitée par une scène de nuit avec un ver des sables, probablement la seule faute de goût vraiment marquante.

Dernier choix qui peine à convaincre, c’est la musique d’Hans Zimmer. A dire vrai, j’aime la musique et ses thématiques (House Atreides, Paul’s Dream par exemple) et je suis emballé par le résultat à l’écran. Mais Villeneuve ignore le silence. Il y a de la musique constamment à l’écran, ce qui est sensé, je pense, renforcer le gigantisme et la solennité de l’ensemble. Ça ne fonctionne qu’imparfaitement, car les images se suffisent à elles-mêmes.

Paul Atreides Shani Stilgar et Dame Jessica Dune

Conclusion


Dune n’est pas un blockbuster comme on peut l’entendre depuis dix ans : il est lent, plutôt contemplatif et avare en scène d’action. Ça ne veut pas dire qu’il n’est pas passionnant par son approche du destin de Paul ou les idées visuelles qu’il déploie. C’est un film qui met la narration visuelle au cœur de son dispositif. Il est improbable de constater que la Warner a laissé à Denis Villeneuve les coudées franches pour réaliser le film qu’il souhaitait. Tant mieux pour le spectateur.

jeudi 29 février 2024

Baldur's Gate 3 de Borislav Slavov (2023)

 

Pochette OST Baldur's Gate 3 de Borislav Slavov

11 eme épisode de #Ma BO cette semaine

 

Blockbuster jeu vidéo de l'année 2023, Baldur's Gate 3 a suscité la passion des joueurs du monde entier depuis sa sortie. Et je dois dire que la musique composée par Borislav Slavov doit elle aussi susciter  l'enthousiasme, tant elle est réussie. 

Dès l'entame, le compositeur expose son Main Theme avec énergie : chœur masculin, soliste féminine, harpe, gros renforts de cordes et de cuivres, l'épique s'invite dès les premières notes pour nous porter tout au long de la BO. En effet, Slavov utilise ce thème pour structurer toute sa partition. Il y devient protéiforme, tantôt chanté (The Power, Down by the river), contemplatif (Who are you), léger (Last light et sa flûte), au piano (I want to live) ou converti pour une musique de taverne (Bard dance). Ce choix donne une forte structure à l'ensemble de l'album, d'autant qu'il se fredonne très simplement, ce qui le rend d'autant plus prenant. 

 


 

Plusieurs pistes en dehors du thème principal font mouche. Dans le domaine épique, il y a Nine blades qui, avec sa guitare sèche et sa chorale masculine, a un côté Conan du plus bel effet. Tonitruant, la piste vous porte à l'aventure pendant presque 5 minutes. Sixteen strikes est lui aussi porté par ces voix d'hommes qui entonnent un hymne de bataille et de violence, de même que Twisted force. Toujours dans ce style, The odds are cast anew lient les diverses forces de l'OST avec le soutien des cuivres en force.

Pour les ambiances plus mystérieuses, la soliste Mariya Anastasova est là, par exemple avec l'envoûtant Harpy Song ou les plus contemplatifs Last shelter et Song of Balduran. Dans Surgery of hope, elle fait frissonner avec son chant froid soutenu par le clavecin dans un ton presque Halloweenesque. Une partie plus démonstrative du chant de la soliste s'invite sur le double morceau Raphael's final act/The grand design (requiem), parfois soutenu par l'orgue. 



Dans un ton enjoué, il y a le motif de Dream walk qui est une bouffée d'air frais au milieu de la gravitas de certains morceaux. On peut évoque aussi I want to live (classical version), léger avec ses violons lents avant de se terminer sur la guitare. Dernière touche de calme, Streets et Faces offre un joli duo haut-bois/guitare pour nous accompagner en fin d'album.

L'album disponible sur les plates-formes n'embrasse pas, loin de là, toute la production du compositeur pour Baldur's Gate 3. Depuis deux ans, Borislav Slavov publie de nombreuses itérations et variations sur ses thèmes. Je vous invite à une petite balade dans son antre (sur youtube), ça vaut le coup d'oreille... 


 


 

J'aime vraiment écrire avec cette musique, car elle est variée, se fredonne facilement et offre quelques bons moments que j'ai essayé de synthétiser dans cet article. Pour rédiger des scènes de Fantasy, c'est bien sûr une BO parfaite !

mercredi 7 février 2024

Retour sur la SF-Connexion 12 (Colmar)

Voilà un bilan de la SF-Connexion 12 qui s'est tenue au parc des expositions de Colmar le week-end dernier (03 et 04 février 2024).

 

On sent que l'évènement prend de l'ampleur, avec deux halls d'exposition et un troisième dédié au repas. Des espaces étaient consacrés, cette année, à des animes célèbres comme Goldorak (dont on sent le retour en force dans les allées) ou Saint Seiya/les chevaliers du Zodiaque. Et il y avait bien sûr beaucoup d'associations et de groupes autour des franchises bien connues de nos genres préférés.





De manière un peu paradoxale, j'ai eu le sentiment qu'il y avait moins de monde que l'année passée. Ce n'est qu'une impression liée au fait que sur les dernières éditions, il y avait une foule dense le dimanche, ce qui n'a pas été le cas, me semble-t-il. Cela était peut-être lié à mon emplacement, ceci dit. En tout cas, ça ne m'a pas empêché de passer une bonne convention avec des visiteurs toujours intéressés/intéressants et des collègues de stand très sympas (coucou amical à Gwên Guirette de LN-FR et à Ed).

De mon côté, les dédicaces se sont très bien passées avec un beau succès pour Entre la Louve et l'Olympe, car il ne m'en restait plus qu'un à la fin de la convention. Je remercie aussi toutes les personnes qui se sont arrêtées pour les illustrations de mon épouse, j'ai relayé vos compliments !

C'est toujours aussi stimulant d'être au contact d'un public aussi riche et diversifié. 

 


Je devrais attendre quelques temps avant de retenter l'expérience : mes prochaines conventions n'arriveront qu'au mois de juin. J'aurai l'occasion de vous tenir au courant de ces prochaines dédicaces très vite. D'ici là, je vais essayer de récupérer un peu et de me focaliser sur l'écriture, car ces moments me donnent aussi un vrai élan pour continuer à travailler sur mes projets.