Il y en a qui présentent ironiquement des grandes et belles lois (big beautiful deal) et il y en a d'autres qui font parfois de sincères rencontres qui lancent des belles et grandes aventures. Ce ce qui m'est arrivé avec Soleil Renversé, un collectif d'auteurs qui va éditer un certain nombre de manuscrits dans les prochains mois. Je vous propose une petite rencontre avec Jean et Matth, les deux architectes du projet.
Soleil Renversé : une présentation
Kevin : D'où vient le nom Soleil Renversé ?
Jean et Matth : D'une pièce pour orchestre du compositeur Maurice Ohana, Le livre des prodiges. Chaque mouvement porte un nom imagé mêlant légendes, mythes anciens, tout un catalogue d'images puissantes qui évoquent l'art de la narration et celui de la magie depuis les temps les plus reculés. Soleil Renversé clôt la première partie de ce magnifique poème symphonique.
Qui sont les auteurs ? Pourquoi eux ?
Pour l'instant, les auteurs du collectif sont, par ordre alphabétique, Anthony Boulanger, Jean Bury, Matth Flagg, Kevin Kiffer, Sylvain Lamur et Nicolas Villain. Pour avoir écrit pour les mêmes maisons d'édition, partagé des idées sur les forums, participé aux mêmes anthologies, ces six auteurs se connaissent de longue date, et les associer a paru une idée naturelle. Rien ne dit que d'autres romanciers ne les rejoindront pas petit à petit. L'un des principaux agréments de l'écriture, ce sont les amitiés qu'on forge avec ses collègues.
Pourquoi choisir de publier via Amazon ?
Après avoir tenté des multitudes de combinaisons, c'est celle qui est apparu la plus simple et surtout la plus économique. En choisissant Amazon, on se limite a un seul distributeur, c'est vrai, mais on peut proposer nos livres (frais de port inclus) à un prix raisonnable, bien qu'ils soient imprimés en France ou en Europe. Difficile ailleurs, sauf à engager en amont des frais assez considérables pour une petite structure qui débute.
D'où vient l'idée et le projet du collectif Soleil Renversé
A la base, Soleil Renversé aurait pu être une maison d'édition !
C'est vrai, c'était l'idée. Elle est d'abord née chez Jean Bury : lassé de passer son temps à multiplier les envois de manuscrits, au lieu d'écrire, il s'est posé la question de s'éditer lui-même. Immédiatement secondé par Matth Flagg, il a envisagé de créer une maison d'édition en bonne et due forme. Là aussi, la complexité administrative et fiscale, pour une équipe qui a peu de temps à consacrer à sa passion, s'est révélée rédhibitoire. D'ailleurs, l'hécatombe des maisons d'édition, notamment dans le domaine de la littérature de l'imaginaire, montre assez la difficulté de faire vivre aujourd'hui une telle structure. Ce fut, au bout du compte, un mal pour un bien : la constitution d'un collectif de camarades, tous différents, mais sur la même longueur d'ondes, permet de réaliser notre objectif (qui n'a jamais été pécuniaire) tout en conservant un surcroît de souplesse et d'autonomie.
On entend souvent dire que l'auto-édition est mal vue, mal perçue, quel est votre sentiment ?
En réalité, des livres remarquables sont auto-édités, tandis que des romans consternants apparaissent au catalogue des maisons les plus prestigieuses. Même sur la forme, on est surpris des traductions indéfendables ou des coquilles absurdes qui égaient le catalogue des éditeurs les mieux connus. Souvenez-vous de cette édition des nouvelles d'Evelyn Waugh dans la collection 10x18, fort respectée des lecteurs, qui évoquait en préface The man who licked Dickens au lieu de The Man who liked Dickens.
Bien sûr, l'auto-édition est sans filtre : n'importe qui édite ce qu'il veut, même sans correction, conseil ou relecture. Il faut donc procéder à un tri sévère. C'est d'ailleurs l'avantage de notre collectif : nous nous relisons les uns les autres, nous nous conseillons, nous nous aidons. Sans compter que deux de nos auteurs sont aussi, par profession, accoutumés aux corrections et aux mises en forme professionnelles. Cela n'empêche pas une erreur occasionnelle, mais du moins, chez nous, River Phoenix ne sera pas traduit par "la rivière Phoenix", comme on l'a vu dans le roman d'un des auteurs les plus célèbres au monde.
Les années 2010/2020 sont difficiles pour les petites structures, les auteurs, certains genres de l'imaginaire. Comment le vivez-vous ?
C'est un peu décourageant, évidemment. Notre collectif a d'ailleurs pour but de mettre en avant des auteurs qui ont eu leurs succès, gagné des prix, été critiqués dans des émissions télévisées, mais restent en marge d'une édition de l'imaginaire de plus en plus concentrée, de plus en plus limitée. La disparition de certaines structures, ou leur silence, se font cruellement sentir. Elles apportaient de la variété, au-delà des titres dont on parle sur France Culture et qu'on expose sur les rayonnages de la FNAC. Cela dit, notre état d'esprit n'est pas à la mélancolie : quand on aime écrire, rien ne décourage jamais longtemps !
Les publications de Soleil Renversé
La première sortie, Trafic de Singes de Jean, est arrivée sur Amazon fin janvier. 4 mois après, pouvez-vous en tirer un premier bilan ?
Les modestes objectifs initiaux sont à peu près atteints. Mais nous débutons, nous devons nous faire connaître, notre site Internet a pris beaucoup de retard, nous n'avons pas encore expérimenté les différents moyens de publicité qui sont à notre disposition... Il est vrai que nous ne sommes guère aidés par les sites spécialisés que nous avons avertis de notre naissance, mais qui ont passé notre communiqué à la broyeuse.
Tout cela va venir petit à petit, et nous pensons qu'un effet cumulatif finira par se faire sentir. Notre catalogue est encore bien vide, mais il va s'étoffer peu à peu. Agir en collectif et non individuellement est à ce stade un atout : nous nous renforçons les uns les autres.
Nous avons mis en place un calendrier (qui ne sera pas tenu...), mais qui est déjà assez copieux. Chacun des auteurs de notre collectif proposera à son tour des nouvelles ou des romans, dans un programme qui s'efforcera d'être diversifié, entre science-fiction, fantasy, fantasy historique, cyberpunk, etc. Surtout, au-delà des inédits, notre but est aussi de republier des titres déjà parus, mais que l'hécatombe des petites maisons a rendu indisponibles. Ces rééditions "hors catalogue" paraîtront de façon un peu plus souples, sans date bien définie (ce qui explique la parution successive de deux titres de Jean Bury, simplement parce que la refonte de Les dieux sans visage était prête).
Qu'est-ce que Soleil Renversé nous promet de beau pour l'avenir ?
Beaucoup de choses sont déjà dans nos tuyaux ! Des nouvelles de Sylvain Lamur, de Nicolas Villain et de Matth Flagg, un gros roman de fantasy historique plein d'embruns, de magie et de sabres de pirate signé Kevin Kiffer, plusieurs nouvelles ainsi qu'une trilogie viking riche en mythologie sous la plume d'Anthony Boulanger, sans compter les différentes rééditions qui sont encore en cours de sauvetage. Il est même possible, si les lecteurs sont bien sages, qu'on leur propose une épopée collective taillée par une quinzaine d'auteurs associés, et qui va bientôt mettre le point final à son premier jet après sept ans d'efforts !
Découvrir Soleil Renversé sur sa page Facebook
Lire Trafic de singe de Jean Bury en papier ou en numérique
Lire Les dieux sans visage de Jean Bury en papier ou en numérique
Lire Sulfuration sur la ligne 2 d'Anthony Boulanger en numérique (et bientôt en Papier)