J'en finis avec mon périple dans les dunes d'Arrakis en vous livrant cet avis sur Dune deuxième partie de Denis Villeneuve.
Après la réussite du premier épisode, Dune nous revient avec une continuité formelle, mais une narration différente. Denis Villeneuve livre cette fois un film plus dense, plus sombre, autour d’un scénario qui a tendance à exacerber ses qualités et ses défauts. Retour sur Arrakis, juste après la mort du Fremen Jamis…
ATTENTION : cette chronique contient des spoilers !
En quelques secondes, Dune deuxième partie reprend la conclusion dramatique du film précédent : la princesse Irulan rappelle l’élimination des Atréides alors que l'on assiste à la carbonisation des corps des vaincus. Un aigle de la maison de Caladan fond en gros plan, première scène marquante d’une très longue série.
Denis Villeneuve poursuit la réussite formelle du premier opus, multipliant les plans signifiants ou les séquences visuellement soignées. Dans la clarté du soleil, le voile d’une tempête, l’obscurité d’une caverne, il ne cesse de flatter la rétine pour iconiser son univers et ses personnages. C’est à ce point réussi qu’on aimerait à plusieurs reprises se lever et faire pause afin d’observer l’image en détails. Sur la durée, la puissance visuelle ne se dément jamais. Elle se complète d'effets spéciaux très réussis et d'une musique qui contribue particulièrement à l'ambiance générale.
Cette force se prolonge dans le propos du film. La réalisation appuie l’émergence du messie qui est au cœur de l’histoire. Paul Atréides suit un parcours initiatique et dramatique qui va le conduire exactement là où il ne voulait pas aller. Programmée pour devenir le Kwisatz Haderach, il va tout tenter pour l’éviter avant s’y piéger. Le poids de la destinée de son personnage principal se retrouve dans les plans écrasants, les jeux d’échelle.
Son itinéraire de héros n’est pas surprenant dans la forme, mais plutôt dans sa radicalité : s’il résiste un temps au destin qu’on veut lui écrire, Paul l’embrasse totalement au moment où il lance à sa mère : « We’re Harkonnens. This is how we will survive. By being Harkonnens. » (« Nous sommes des Harkonnens. C’est ainsi que nous survivrons. En étant des Harkonnens. »). A partir de cet instant, Paul ne va jamais dévier, jamais hésiter. C’est assez rare tant les valses hésitations des personnages principaux sont la norme ces dernières années. Si l’on compare son choix à celui d’Anakin Skywalker dans la Prélogie Star Wars, on constate que leurs parcours sont communs (des visions les poussent à agir pour éviter un destin écrit), mais qu’Anakin bascule avec hésitation, là où Paul tranche immédiatement et n’hésitera plus. A partir de là, les deux suivront un itinéraire similaire et perdront la femme qu’ils aiment pour acquérir le pouvoir qu’ils convoitent. Mais là où Anakin paiera dans sa chair son ambition, Paul obtiendra presque tout ce qu’il convoitait.
Pour prolonger ce parallèle, la notion d’Élu et de Messie est au cœur du dispositif narratif de Dune deuxième partie. A mi-chemin, le film décide de s’attarder sur les Bene Gesserit qui œuvrent pour tenter de garder sous contrôle la galaxie. Ce groupe de femmes très puissantes, avec la Révérende Mère et la fille de l’Empereur, tente d’organiser le choix du remplaçant de l’Empereur.
Pendant ce temps, sur Arrakis, Jessica est devenue la révérende mère des Fremens et elle fait tout pour que son peuple croit en la prophétie d’un sauveur, construction des Bene Gesserit. Le scénario dessine ici les contours de l’utilisation de la religion à des fins politiques. Il est très surprenant que le studio Warner ait laissé intact le propos, qui pourrait être mal interprété vu la proximité entre l’imagerie Fremen et celle du monde musulman (ça s’arrête d’ailleurs à la surface, mais il a suffit de moins pour créer des polémiques). Les Fremens sont finalement des victimes, programmés sur des générations pour croire en un mythe supérieur avant d’être utilisée comme chair à canon dans une guerre ultime. Il est appréciable d’avoir nuancé le propos autour de ce peuple, entre les intégristes (dont Stilgar représente la caricature, qui est en train de devenir une usine à mêmes) et la jeune génération qui attend plutôt un meneur issu de leurs propres rangs.
J’aime beaucoup quand le cinéma essaie de s’emparer de thèmes universels comme notre histoire, la création des mythes. La science-fiction est un terreau fertile pour de tels sujets. C’est une des raisons qui me font aimer les Star Wars de Georges Lucas. Dune parvient à bien illustrer également ces thèmes, visuellement ET thématiquement.
Le casting contribue à nous plonger dans cet univers. Le couple formé par Timothée Chalamet (Paul) et Zendaya (Shani) fonctionne bien. Leur histoire est bien amenée, notamment par les scènes dans le désert, comme lorsqu’ils pratiquent ensemble la danse du désert. Villeneuve cherche à nous plonger dans leur intimité en cadrant proche d’eux. Dans la deuxième partie, j’ai beaucoup apprécié que Chalamet démontre un « charisme » contraint qui colle bien à l’histoire de son personnage.
Autour d’eux, il y a beaucoup de monde, parfois pour quelques minutes seulement. Austin Butler est l’ajout de marque de cette deuxième partie, où il interprète Feyd-Reutha. Son introduction, sur Geidi Prime, avec ses tons bicolores (noir et blanc), est très réussie. Il affiche en peu du temps du charisme et un sadisme qui donne un peu d’épaisseur à la maison Harkonnen, particulièrement fade dans cette seconde partie. C’est un des problèmes du film, qui ne parvient pas à rendre la menace adverse très impressionnante, vu le peu de temps qu’il peut y consacrer. De fait, le nœud autour de l’intrigue principale de la lutte pour l’Épice est réglée par une sous-intrigue (les ogives Atréides) aussi mal amenée que décevante.
La maison impériale est présente via la princesse Irulan (Florence Pugh) et l’Empereur (Christopher Walken). Si la première se défend très bien malgré une maigre présence, Walken est très monolithique et n’a pas le temps de nous montrer l’étendue de son talent, ce qui est dommage.
Les deux autres membres du casting dont on profite le plus sont Rebecca Ferguson (Dame Jessica) et Javier Bardem (Stilgar). La première donne à son personnage une détermination très différente du premier opus. Elle en fait une Bene Gesserit puissante, quasi fanatique, qui offre quelques scènes sombres. A l’inverse, le fanatisme de Stilgar quant au mythe d’un prophète est presque amusante. Pourtant, elle est simple et sincère, ce qui accentue l’aspect touchant du personnage.
J’ai cherché pendant longtemps à comprendre pourquoi j’aimais ce Dune deuxième partie sans m’enthousiasmer, comme pour la première partie. Est-ce son trop plein, qui l’oblige à utiliser l’ellipse et à abréger le rôle de certains personnages ? Le fait que ce ne soit finalement que la deuxième partie d’un même film, alors que tous les espoirs pouvaient naître des promesses de ce second opus ? Je ne sais pas trop. D’autres visionnages seront nécessaires.
Ce que je sais en tout cas, c’est que j’ai pris beaucoup de plaisir à arpenter Arrakis. Ce qui peut rebuter chez Villeneuve m’attire beaucoup : un cinéma visuel, à la recherche de la belle image, qui se montre adulte dans son ton dans un premier degré qui me convient très bien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire