samedi 13 août 2011

Lu : Muséums (Anthologie Editions Malpertuis - Christophe Thill dir.)

J'en parlais plus tôt, mon texte pour ce recueil a été refusé. Mais, curieux, je me suis rendu au stand des éditions Malpertuis lors des Imaginales à Épinal où j'ai fait la connaissance de Thomas Bauduret et Christophe Thill. J'ai eu l'opportunité de discuter avec ce dernier de mon texte et de la constitution de l'anthologie. Il s'est vraiment montré très ouvert, j'ai vraiment apprécié ce contact et je l'en remercie.
Dans la foulée, j'ai acheté l'anthologie consacrée à Muséums.





Trente quatre nouvelles au programme, introduites par une préface de Christophe Thill qui donne tout son sens au thème choisi. Je ne vais pas essayer de faire des groupes, juste d'émettre un avis sur chaque nouvelle :

Guide du Muséum de Rascanges de François Fierobe est une parfaite nouvelle d'introduction. Conçu comme une brochure de présentation, le texte déroule une ambiance sombre et dérangeante en présentant les recoins les plus horribles du Muséum de Rascanges, et semble "annoncer" ce qui nous attend par la suite dans l'anthologie. Les petits commentaires et petites piques attribués à Arsenius Theorbe au cours du texte apportent une touche particulière qui démarque la nouvelle. Un excellent choix.

Gombessa Song de Véronique Pingault ne m'a pas convaincu. Je n'ai pas accroché plus que cela au narrateur, et j'ai trouvé la nouvelle un peu courte car j'aurai aimé voir certaines choses développées (notamment sur la filiation au genre humain).

L'affaire de l'épidémie dansante de Nico Bally est un bon texte, très vivant - sans jeu de mot vu le contenu de la nouvelle. La chute est bien trouvée et j'apprécie les différents clins d’œils disséminés par l'auteur tout du long.

La dame des marrons de Bernard Weiss pose une atmosphère intrigante et le récit de voyage qui s'insère au sein de la nouvelle est agréable à lire. Globalement, le style et le talent de l'auteur font la différence mais la déception pointe son nez quand arrive la chute. Assez simple, elle donne l'impression d'un texte vain, car on en revient strictement à la situation de départ, comme si il ne s'était rien passé. Bref, c'est dommage car le reste n'est vraiment pas mal du tout.

On plonge tout de suite dans le passé décrit par Régine Philippe dans La véritable histoire de Quetzalcoatlus. Et c'est vraiment ce côté souvenir d'enfant qui perdure une fois la lecture terminée, comme si une confession nous avait été faîte sur le passé d'un ami. Les petits détails disséminés ça et là renforcent cette impression. Dans ce cas, la relative faiblesse de la chute ne gêne pas du tout le lecteur car la nouvelle reste marquante.

Le sourire du Dodo repose lui sur sa chute forte, et là Olivier Caruso a écrit un texte qui fonctionne très bien, paranoïaque, et sadique vis-à-vis de son héros. La montée dramatique est bien gérée, et c'est très bien écrit. Un de mes textes préférés de l'anthologie.

Chroniques d'un cabinet de curiosités ne m'a pas laissé une grande impression. Anne Goulard ne démérite pas, mais j'ai trouvé que la nouvelle manquait de relief. 

Tourbe millénaire vaut pour le rythme imprimée par Loïc Lendemaine, et le point de vue original adopté. Cela fait ressortir cette nouvelle du lot, même si avec le recul elle m'a moins marqué que d'autres textes. Difficile d'expliquer pourquoi, je n'arrive pas vraiment à mettre le doigt dessus. Peut-être l'intrigue m'a-t-elle moins entrainé, mais là encore c'est une question de goût et de sensibilité. 

Les images évoquées par la Tourbière de Romain Champion font travailler l'imagination du lecteur et la nouvelle monte en pression grâce au talent de l'auteur. Cette descente dans l'obscurité se conclue parfaitement pour l'un des meilleurs textes du recueil.

Si l'on oublie le démarrage assez...surprenant de Art nouveau - un agent de l'UNESCO consulté lors d'une enquête policière, hum -, la nouvelle de Cédric Citharel cache une bonne idée. J'aurai aimé que le texte aille plus loin qu'une simple présentation, se saisisse plus de son sujet, mais le format du récit ne s'y prête pas forcément. Dommage.

Le contexte surprenant dans Pazuzu, de Jess Kaan, apporte un souffle de fraîcheur sur l'anthologie. Son ton sombre et dramatique complète à merveille le tableau. Une bonne nouvelle.

Reliques de Pascal Sacré est très divertissant. Derrière un récit sombre, des tranches de vie tout à fait communes que ne renierait pas un Stephen King. Du coup, on en vient à comprendre les désidératas du héros, Daniel Ross, et surtout on comprend bien comment il en arrive à concrétiser ses envies inassouvies. Une nouvelle très bien menée là aussi.

Musée-homme de Robert Darvel décrit là aussi des scènes très évocatrices pour le lecteur qui découvre un monde sombre et étrange. Mais la nouvelle a une progression en dent de scie qui m'a fait parfois décrocher au cours de ma lecture.

Bicéphalite est un texte de très grande qualité. La progression et la révélation menée par Julien Heylbroeck valent le coup d’œil. Les parties "récit de voyage" sont excellentes et évoquent une ambiance exotique bienvenue. Et puis la bicéphalie, brrr....

Le musée des vapeurs de Franck Ferric est original et drôle. On se prend à sourire en voyant la bourgeoisie parcourir ce curieux musée. Une ambiance moitié de XXe siècle règne et le gardien a des remarques qui font mouche. Un bon texte.

Sarah de Nelly Chadour ne m'a pas plu : j'ai trouvé les personnages antipathiques et l'histoire peu intéressante.

Derrière Voleur de Emmanuelle Cart-Tanneur se cache une autre super idée de ce recueil. Cette évocation de l'art, sa vie, son essence, est particulièrement plaisante. Et le final est surprenant dans la petite leçon qu'il distille. Une belle réussite.

Chimères évoque un rituel dont il ne serait pas surprenant qu'il soit vrai. Le texte d'Irène Maubreuil est assez dérangeant mais j'ai eu du mal à voir l'idée derrière la chute...

Le musée des damnés de Léo Lallot fonctionne exceptionnellement bien grâce à sa chute qui permet de donner un autre sens au texte. Typiquement le genre de nouvelle parfaite pour ce type de recueil.

Hors de l'Eden, de Romain d'Huissier, a lui un retournement de milieu de récit tout à fait saisissant qui fait sortir la nouvelle des sentiers battus. Toutefois, j'aurai voulu que le texte se poursuive un peu plus loin, histoire de voir ce que le récit allait donner. Une petite frustration de ce côté.

Je n'ai pas du tout été concerné à la lecture du Directeur des ressources humaines ; l'autre de Mathias Moucha et de Echographie d'un petit pois de Ludmila Safayne.

L'objet K renvoi à la mythologie lovecraftienne, A. Kowsky ne s'en cache absolument pas. Malheureusement, si le style suit, la nouvelle est piégée par son héritage, si bien qu'on devine bien vite où l'auteur nous emmène. Dommage.

Jeanne était au pain sec est une très agréable nouvelle de Gudule. J'aime beaucoup l'esprit d'enfant qui traverse le texte, et l'imaginaire qui y est rattaché.

Par contre, je suis un peu embêté par le secret de Canaletto de David Miserque. L'ambiance bruxelloise est bien posée, la musique a toute sa place, le déroulement bien mené et conclu mais il ne manque qu'un je ne sais quoi pour en faire une nouvelle marquante. Je cherche mais je ne vois pas quoi tant le style, l'histoire, fonctionnent bien, et l'héritage lovecraftien est bien digéré.

La lyre à trois cordes a un charme très particulier, ce côté envoûtant qui vient des trois enfants. La malédiction qui frappe le héros est très bien décrite, on se sent très proche de lui à ce moment, Julie Conseil a vraiment réussi son coup car l'aspect fantastique ressort très bien dans cette conclusion.


Blanche Saint-Roch a signé avec les malédictions croquées une très bonne nouvelle qui pourrait être l'introduction d'aventures plus larges au principe intéressant. Une nouvelle "à suivre", du moins je l'espère. Et une auteur à suivre. Mon Top 5 manque de place, je l'aurai bien rajouté...

Le maître des curiosités de Bernard Leonetti est une excellente nouvelle à tous les points de vue : ambiance très recherchée, personnage anti-héroïque, mystère dérangeant, tout y est jusqu'à cette spectaculaire mise en scène finale. Bravo !

Le musée de soi-même est un beau texte sur la vie et la condition humaine signé Fabien Clavel. Le genre de nouvelle qui sort du contexte fantastique pour mieux y revenir sur un final choc, où l'on comprend que quelque chose ne va pas.

Avec l'éveil, on cumule les excellents textes ! Aurélie Ligier signe là un texte haletant et très rythmé qui revient de manière surprenante sur l'univers des contes de fées. Petit bémol, je n'aurai pas répété au début et à la fin le petit paragraphe explicatif...mais c'est une broutille.

La machine des Incas de Georges Mugand est une petite tranche de vie du musée, sympathique, et qui n'a pas d'autre objectif. Toutefois, l'aspect fantastique est assez léger mais je ne vais pas le lui reprocher : là où le texte est placé, il fait office de récréation bienvenue.

Les rouages du destin de Terry Montcalm fonctionne très bien. Globalement, les personnages sont tout de suite attachants et la chute est très amusante.

Le musée des âmes de Jean-François Seignol est plein de nostalgie et légèrement dépressif, tout ce qu'il faut pour me plaire. De plus, il est largement tourné vers l'espace, les grandes découvertes, des thèmes qui me plaisent beaucoup. Je ne pouvais m'empêcher de penser, à la lecture, à un harmonica jouant le thème de In the mood for love (voir sur Youtube) sur ces déambulations au musée.

Seul de Jean-François Lubin ne m'a pas entraîné. Dans la même veine que le précédent pour son côté nostalgique, mais ça n'a pas fonctionné sur moi.

Les textes sélectionnés pour ce Muséums sont en majorité de bons textes, et l'ensemble est vraiment très plaisant à lire pour la richesse de ses approches et de ses thématiques. J'ai découvert quelques noms à retenir  (Olivier Caruso, Romain Champion, Julien Heylbroeck, Aurélie Ligier ou Blanche Saint-Roch) qui ont le potentiel pour me plaire dans le futur.

A titre indicatif, voilà les textes qui m'ont le plus plu par ordre de préférence, ceux que je retiens, pour certains bien longtemps après leur lecture :

Top 5 des nouvelles préférées :
1- Le sourire du Dodo/le musée de soi-même (ex-aequo)
2- La Tourbière
3- Bicéphalite
4- Le musée des damnés
5- Le maître des curiosités

6 commentaires:

  1. Super critique, complète, fine, argumentée (et fort plaisante à lire pour moi ! ^^ )...

    Merci Kevin !
    Et bonne continuation, autant pour ce blog que pour tes nouvelles !
    Blanche

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  2. "Hors de l'Eden, de Romain d'Huissier, a lui un retournement de milieu de récit tout à fait saisissant qui fait sortir la nouvelle des sentiers battus. Toutefois, j'aurai voulu que le texte se poursuive un peu plus loin, histoire de voir ce que le récit allait donner. Une petite frustration de ce côté."

    - Merci de la critique !
    En effet, moi aussi j'aurai aimé donné une suite à cette nouvelle. Dans l'idéal, Hellboy débarque et met une raclée au dieu-serpent... Mais bon, il n'est pas exclu qu'un jour, je ré-exploite cette idée...

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  3. Merci pour la médaille de bronze ! Je suis content que tu apprécies ce texte.

    Pour la petite histoire, ce bébé à deux têtes existe réellement et il a été longtemps exposé au muséum.
    Le récit de voyage est très très librement inspiré du journal d'un voyageur que j'ai eu l'occasion d'étudier quand j'étais thésard à La Rochelle. Un peu de vécu quoi (mais je précise quand même que je n'ai qu'une seule tête).

    J'espère avoir l'occasion de te permettre de lire d'autres boulots et qu'ils te plairont.

    Au plaisir de te lire très vite, également.

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  4. Merci pour la critique !

    Juste un mot : "La machine des Incas" n'est pas simplement une tranche de vie dans un musée. C'est une histoire triste et légèrement effrayante. Il faut la relire...

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  5. Bonjour,

    et une autre anthologie, gratuite et téléchargeable, sur
    http://bigbangeditions.forumactif.fr/t9-mortel-delirium

    Désolé de 'polluer' un peu ce billet mais je n'ai pas trouvé d'autre moyen de rentrer en contact ;)

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  6. Merci à vous d'avoir livré une si bonne antho !
    >> Merci Blanche ! Bon courage à toi aussi !

    >> Julien et Romain, je vous suis aussi sur le jdr Brigade Chimérique, bon courage !

    >> Christophe : A la relecture, je n'ai pas senti cette veine triste et effrayante. Un peu pathétique pour le vieil homme, mais voilà...

    >> Merci pour la lecture Cédric !

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