Roma Aeterna de Robert Silverberg
A la lecture, l'on découvre 11 textes (dix nouvelles accompagnées d'un prologue) très variés qui illustrent autant les divergences que des moments fondateurs de la vie de l'Empire. Les récits changent à chaque fois de protagonistes, même s'ils sont souvent longs - près de 100 pages poches pour deux d'entre elle - et très détaillés dans l'approche de la période visée par la nouvelle. Là où Semper Lupa de Meddy Ligner s'intéresse plutôt aux évolutions de la vie des populations, Silverberg se penche lui sur les généraux, les princes, les empereurs, souvent vus par des membres de l'élite intellectuelle comme des historiens.
Si je ne vais pas toutes les évoquer, quelques unes des nouvelles m'ont marqué :
1861 A.U.C. : la deuxième vague raconte la deuxième expédition romaine pour tenter d'aller conquérir le Nouveau Monde (à priori, l'empire Maya). Mais le héros Titus Livius Drusus comprend vite que la première mission a été décimée et que les sauvages face à lui sont menés par un guerrier nordique (Viking) qui a uni les peuples autour de lui. Dans son idée même, cette rencontre Maya/Viking/Rome est aussi surprenante qu'imaginative ! Et quel film cela ferait !
2568 AUC : Le règne de la Terreur se penche lui sur la Terreur que nous avons pu connaître à la Révolution, mais dans un univers romanisé. Bien sûr, les deux consuls ont un côté Robserpierre, avec cette idée de commettre des crimes horribles dans un objectif louable.
2723 AUC : Vers la Terre promise évoque un autre épisode, à savoir l'Exode des Hébreux. Mais si les Hébreux avaient choisi l'Exode...dans l'espace ? Cette belle variation du projet du départ donne un côté plus proche, plus concret à la chronologie en utilisant cette idée.
Et d'un point de vue historique ?
Si, bien entendu, la somme imaginée par Robert Silverberg est impressionnante, il y a quelques couacs quand il évoque, par exemple, le fait que les consuls sous la République étaient choisis par le Sénat alors qu'ils étaient élus. Cela reste de l'ordre du détail.
Plus intéressant, c'est le parti pris de l'auteur de ré-interpréter des faits historiques sous cette férule romaine : l'approche d'une Renaissance, le règne d'une Terreur proche de l'Inquisition, une conquête à l'Espagnole du Nouveau Monde (mais qui échoue), le massacre d'une famille régnante (on pense aux Romanovs pour la référence). Silverberg reprend donc certains éléments pour critiquer plus largement ces super-états tout puissants dans une réflexion qui laisse à penser que l'Humanité progresse, bien entendu, mais dans un sens proche du nôtre. C'est ce que je regrette un peu avec Roma Aeterna : la culture romaine impériale aurait-elle poussé notre civilisation dans les mêmes dérives ? Devons-nous répéter nos erreurs et nos succès ?
Ce sont bien entendu des questions philosophiques importantes que l'auteur pose, même si je ne suis pas en accord avec sa façon d'y répondre. L'effort, qu'il a mené sur près de 15 ans (la première nouvelle a été publiée en 1989, la dernière a été écrite lors de la publication du recueil en 2003) est impressionnant et pousse à réfléchir sur le sens de l'histoire, une question passionnante.
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