Cet avis est écrit dans le cadre de l'exercice de recensement autour de la Fantasy antique en France.
Les neuf noms du soleil de Philippe Cavalier
Les neufs noms du soleil est un roman biographique autour du personnage historique de Xénophon, militaire athénien connu également pour avoir rédigé l'Anabase. L'auteur Philippe Cavalier a décidé de balayer l'ensemble de la vie de Xénophon, de son enfance à la fin de son périple avec ses frères grecs.
La lecture du roman m'a fait me demander, pendant longtemps, comment il avait pu être chroniqué sur les sites de référence de la Fantasy. En effet, si l'auteur a romancé l'Histoire, il n'aborde que peu la Fantasy. Tout juste peut-on voir un peu de mythologie dans le lien à la divinité, mais rien qui ne choque dans un ouvrage historique. Les 9 noms du soleil se découpent en deux parties très nettes qui n'offrent pas, à priori, un terreau à la SFFF.
La jeunesse et la formation de Xénophon
Dans sa première partie, Philippe Cavalier aborde la jeunesse et la formation de Xénophon, de son domaine familial à son arrivée à Athènes. De ce point de vue, l'auteur utilise le trope habituel de la progression de son personnage principal, qui va se lier avec un ami fidèle, découvrir le métier des armes (via Sparte notamment) ou les arts de l'esprit (philosophie, mathématiques, histoire). C'est l'occasion pour lui de plonger aussi dans l'histoire de la période, avec par exemple les guerres de conquête (mal) menées par Athènes, ou l'opposition avec les spartiates et Thèbes pour ce qui concerne la politique en Attique.
J'ai trouvé cette première partie très solide et agréable à lire. Nous sommes plongés dans l'époque et cette immersion compense un scénario assez classique, banalisé peut-être, mais que l'auteur mène avec justesse.
L'Anabase et les 10 000
Dans la seconde partie, l'on passe clairement en mode baston. Philippe Cavalier reprend la trame de l'Anabase que rédigera Xénophon ensuite et se lance dans la description de cette étrange campagne, d'abord guerre civile entre Perses, qui se transforme en guerre ouverte entre les Grecs et l'Empire Achéménides.
Les batailles s'enchainent, rythmées par quelques épisodes politique au sein de la cour du Grand Roi. Le lecteur est immédiatement plongé dans cet autre monde que la Perse, tout comme il suit cette armée avec ses règles et ses ambitions, accompagnant la découverte de Xénophon. Il est seulement dommage que les épisodes à Babylone soient assez limités, certaines personnages ayant pu se montrer plus développés encore (comme le médecin Ctésias, grec au service d'Artaxerxès II). Car les combats et escarmouches restent variés tout en retranscrivant l'épuisement et la dureté des affrontements.
C'est vers la fin de ce périple militaire que le récit bascule peu à peu vers de la Fantasy historique. L'auteur l'assume d'ailleurs, parlant dans sa postface de mytho-histoire, que l'on pourrait renvoyer à une forme de Fantasy. La découverte d'Ea, cité aussi fictive qu'ancrée dans la mythologie d'une Colchide présentée par Philippe Cavalier comme "une contrée archaïque qui se situe moins dans l'Histoire que dans la mytho-histoire".
Et sinon, historiquement ?
Le récit apparait comme très sérieux et documenté, ainsi qu'on le découvre dans la postface qui revient en détail sur la genèse de l'Histoire et son lien au romanesque. L'Anabase qui sert de base au récit peut être lu en ligne pour faire une comparaison plus éclairée. Après, nous restons face à un roman qui choisit souvent le romanesque, ce qui est normal. Et dans ce cas, il est difficile de ne pas être agacé par certains clichés (les perses très méchants, les femmes trop souvent réduites au rang d'objet etc) utilisés un peu trop facilement.
On constatera aussi que le récit écourte le périple retour (notamment leur Catabase, redescente vers les côtes avant de repartir en guerre en Thrace), donnant une fausse impression de par son virage Fantasy évoqué plus haut.
Enfin, pour ceux qui voudront en savoir plus, j'attire votre attention sur une nouvelle traduction de l'Anabase, sortie cette année chez Phébus et menée par les hellénistes Annie Collognat-Barès et Pascal Charvet. En plus du texte, l'appareil critique autour permet de cerner les enjeux de la période, les personnages avec des regards sur leur vie, mais également des notes de synthèse sur la vie quotidienne et militaire. On regrettera seulement la couverture un peu trop 300 à mon goût !
Pour finir, je vais laisser la parole à Xénophon (traduction de Denis Roussel et Roland Étienne), éd. Classiques Garnier, coll. « Classiques jaunes/Antiquités », 2016) : "Celui qui a conscience d’avoir violé la foi jurée, jamais je ne pourrai l’estimer heureux. Car pour l’homme auquel les dieux font la guerre, il n’est aucune fuite, si rapide soit-elle, aucun refuge nulle part, qui lui permettent d’éviter leurs coups, nulles ténèbres qui puissent le dérober à leurs regards, nulle citadelle qui puisse le protéger. Tous les êtres sont, en tout lieu, sous la dépendance des dieux, dont le pouvoir s’étend également sur tous."
Une citation que j'aurai pu placer en introduction de Entre la Louve et l'Olympe....
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